La France nostalgique de ses rois ?

Les Français regretteraient-ils d’avoir coupé la tête d’un de leurs rois ? Alors qu’il n’est question que de « République » dans un pays qui a la passion de l’égalité, le peuple tolère les prérogatives monarchiques accordées au chef de l’Etat. Celles reconnues par les institutions, celles qu’il s’octroie par l’usage. Comme si le fait de lui reconnaître le droit d’être différent garantissait l’uniformité des ceux « d’en bas ». « Le fait du prince », en tout cas, a la vie dure ici, ainsi que le raconte Béatrice Houchard dans un livre où les nombreuses anecdotes viennent nourrir l’analyse d’une « exception française ».
Depuis 1962 et son élection au suffrage universel direct, le président de la République française dispose de plus de pouvoirs qu’aucun autre dirigeant d’une démocratie. Le gouvernement procède de lui ; la majorité parlementaire aussi, surtout avec le quinquennat et une élection présidentielle qui précède les législatives ; il peut faire et défaire des carrières ; il engage les armées dans des guerres ; il décide de la politique étrangère… La patrie de Montesquieu n’a guère retenu la leçon des contrepouvoirs nécessaires ! Ce qui entraîne souvent une dérive vers « le bon plaisir ».
Journaliste à « L’Opinion » sachant porter un regard à la fois provincial et parisien sur la vie politique, l’auteur a mené une enquête minutieuse auprès de celles et ceux qui ont été témoins de ces pouvoirs exorbitants. Qu’il s’agissent des patrons de la télévision publique sollicités par Nicolas Sarkozy pour donner une émission à David Hallyday, de François Mitterrand inaugurant le musée d’Orsay voulu par Giscard et où sa maîtresse est conservatrice, de Jacques Chirac graciant José Bové et Maxime Gremetz, de François Hollande nommant à de hauts postes ses condisciples de la promotion Voltaire à l’ENA…
Ces comportements ne datent pas d’hier et Tocqueville a toujours raison : « La République s’est assise sur le trône du roi ». A ceux qui en douteraient, il est conseillé de lire « Le fait du prince ». Ceux qui le savent y trouveront une confirmation. Et ce n’est pas Emmanuel Macron qui démentira ce tropisme monarchique, lui qui ne craint pas d’évoquer « la figure du roi ». Le plus surprenant tient à l’acceptation des Français supposés frondeurs. A moins que ceux-ci restent très ambivalents face à l’autorité, déférents si tout le monde est inscrit à la même enseigne, chahuteurs dès qu’une brèche s’est ouverte. La République est un apprentissage.

* Béatrice Houchard, « Le fait du prince », Calmann-Levy, 17,50 €.

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