Une logique de IVème République

Quand Jupiter doit négocier et le Prince, apprendre à quémander.

Certains observateurs avaient prévenu : Emmanuel Macron jouait avec le feu en renforçant les extrêmes au détriment des partis d’opposition dits de « gouvernement » afin de se garantir une réélection présidentielle face à Marine Le Pen. Il a été réélu, mais le feu est là. Et le chef de l’Etat semble bien démuni avec sa majorité relative à l’Assemblée nationale, coincée entre les deux radicalités de droite et de gauche qui le menacent de paralysie. De l’art de se tirer une balle dans le pied !

La stratégie de « l’omelette » devait agir comme une assurance-vie électorale. Gouverner au centre renvoyait les oppositions à leurs extrêmes, ce qui bloquait leur victoire éventuelle, les électeurs étant appelé à « faire barrage » à tour de rôle contre la présidente du Rassemblement national puis contre Jean-Luc Mélenchon. Mais il arrive que l’épouvantail épouvante moins ou que les Français se lassent  d’être ainsi manipulés par un Président chauve-souris : regardez mon corps, je suis de droite ; regardez mes ailes, je suis de gauche ! Le « en même temps » macronien a atteint ses limites.

C’était de fait introduire une logique de IVème République dans les institutions de la Vème. Il est étonnant que des héritiers du gaullisme comme Alain Juppé et ses amis y aient participé, laissant le chef de l’Etat aspirer les personnalités et les idées de la droite républicaine après avoir phagocyté le Parti socialiste.  Avec des débauchages individuels qui ne présentaient pas la politique sous ses meilleurs jours. Trois cohabitations avaient certes instauré une dualité entre L’Elysée et Matignon. Cette fois, le dualisme régnait dans la tête même de l’hôte de l’Elysée.

Comment s’y retrouver ? Aux repères traditionnels ainsi éclatés, le chef de l’Etat  a ajouté le goût prononcé de semer la confusion. Une campagne présidentielle anesthésiée, un coup de barre à droite suivi d’une séduction appuyée à gauche au risque de se dédire, une présidence absente de la bataille des législatives alors que le méchant Mélenchon se substitue à l’inquiétante Marine dans le rôle du repoussoir… Il y avait de quoi ne plus savoir pour quoi ni pour qui voter. Plus d’un Français sur deux est donc resté chez lui. Les votants, eux, ont voulu signifier à Emmanuel Macron qu’il l’avait élu Président pour ne pas avoir Marine Le Pen, mais qu’il ne s’agissait pas d’un blanc-seing. Ils l’ont donc privé de régner en Jupiter faisant croire qu’il allait enfin écouter ses mandants-manants.

Chiche ! Emmanuel Macron se voit ainsi contraint de négocier les moyens de faire voter ses réformes. Ce n’est pas un exercice dans lequel il excelle. Au lieu d’un vague Conseil national de la refondation, il aura en face de lui une Assemblée nationale rebelle qu’il lui faudra moins séduire que convaincre. Le comédien qu’il est peut y exercer son talent. Sauf que les Français et leurs représentants ont pris conscience des ficelles du métier.

Chantal Didier