Fabius veut amplifier la « question citoyenne »

Texte paru dans Fondamental.fr

Révolutionnaire, Laurent Fabius ? Au service de l’État de droit, oui. Le président du Conseil constitutionnel lance la promotion auprès du grand public de la « QPC », question prioritaire de constitutionalité, qu’il appelle « question citoyenne », et qui a pour objectif de vérifier que les lois satisfont aux exigences des grandes valeurs inscrites dans la Constitution. Sa mise en place décidée en 2008 et effective en 2010 constitue pour lui une « révolution de velours ». Afin d’en amplifier la portée, il vient d’inaugurer « QPC 360° », un portail numérique rassemblant toutes les informations sur cette procédure qui heurte parfois les politiques.

La QPC, de fait, a introduit une révolution copernicienne dans la conception française de la loi. Expression de la volonté majoritaire, celle-ci dominait la pyramide juridique et le législateur n’avait de compte à rendre qu’à ses électeurs. La création du Conseil constitutionnel en 1958 ouvre une première brèche : une loi votée qui lui est soumise doit satisfaire aux principes et procédures inscrits dans la Constitution avant d’être promulguée. Avec la QPC, cette exigence s’étend aux lois déjà promulguées.

Sans doute cette extension correspondait-elle à un besoin ; le succès de la QPC l’atteste. En douze ans, plus de mille saisines ont été adressées au Conseil constitutionnel qui leur consacre désormais 80 % de ses activités. Un sondage assure que 80 % des Français en ont une opinion positive, sauf qu’ils en connaissent mal les tenants et aboutissants. Pour combler les lacunes, Laurent Fabius a souhaité qu’une base de données permette de connaître les décisions QPC rendues par les juges du fond, que celles-ci se voient ou non renvoyées devant les sages de la rue Montpensier.

Le portail «QPC 360°» s’adresse aux avocats, aux magistrats, aux enseignants, aux journalistes, aux citoyens… Il informe sur la procédure et les décisions rendues. Il livre des statistiques. Réalisé avec le concours du Conseil d’État et de la Cour de cassation, il analyse les domaines concernés et indique comment déposer une saisine. « Une première mondiale », a osé Laurent Fabius, ardent défenseur de cet instrument au service des droits fondamentaux des citoyens. De quoi conduire le Conseil constitutionnel à devenir une Cour suprême ?

Si certains s’en félicitent, d’autres s’en inquiètent. Ainsi d’Édouard Balladur qui vient de pointer le risque d’une « judiciarisation de la vie politique ». S’exprimant le 23 janvier devant l’Académie des sciences morales et politiques, l’ancien Premier ministre dénonce une inflation de QPC qui, selon lui,  « remettent en cause des pans entiers du droit positif » et entraînent « un recul de la démocratie représentative ». Celle-ci « est-elle en train d’être supplantée par une démocratie du droit ? », s’interroge-t-il. Sa réponse est dans la question.

 

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