L’hommage national au colonel Arnaud Beltrame se justifiait pleinement tout comme la marche blanche dans Paris pour s’indigner du meurtre de Murielle Knoll. Les Français se sont levés pour saluer le héros qui a donné sa vie pour sauver un otage. Ils ont dit non à l’antisémitisme en faisant foule place de la Nation. L’émotion partagée s’est voulue expression d’un pays rassemblé et barrage contre ceux qui le détestent et le minent. « En même temps », une impression de gêne prévaut : s’il est bien de se rassurer en serrant les coudes, combien de cérémonies aux Invalides ou de défilés dans les rues faudra-t-il pour réduire à néant « l’ennemi insidieux » ? Au risque d’une certaine lassitude. Est-ce suffisant, surtout ? Certes non. Et ce n’est pas porter atteinte à l’intérêt national que de la poser.
L’union nécessaire face au terrorisme ne peut autoriser tous les anathèmes à l’adresse de ceux qui s’interrogent sur le mal qui menace la France. Pour la première fois, un président de la République ne s’est pas contenté de déplorer « les barbares », « les assassins » mais a dénoncé « l’islamisme souterrain ». Nommer le danger, c’est déjà l’encadrer. Et non pas le dénier sous le prétexte d’un risque d’amalgame. Pas question de confondre religion musulmane et terrorisme, à charge aussi pour la première de balayer devant la porte des mosquées.
Mais encore ? Il ne suffit pas à l’Etat de dire que nous sommes « en guerre » pour le dispenser de son devoir qui est d ‘assurer la sécurité de ses citoyens. Apprendre que le tueur de Carcassonne et Trèbes était « suivi » par la DGSI inquiète. Que signifie « suivre » ? Qu’en aurait-il été s’il n’avait pas fait l’objet de ce suivi ? Si le salafisme représente un vrai danger, pourquoi tolérer ceux qui en prêchent la violence ? Si les banlieues délaissées en sont le terreau privilégié, pourquoi ne pas expliquer aux Français qu’il y faut une politique audacieuse et coûteuse ? Une démocratie se doit de combattre ses ennemis en respectant ses valeurs. Ce qui ne l’exonère pas de l’exigence de fermeté et de lucidité.
La compassion nationale ne constitue pas une politique et la politique n’est pas un gros mot dans un pays confronté au défi terroriste. Attention à ce que l’unanimisme ne finisse pas par dévaloriser l’appel à l’union.