Poker menteur autour de la Constitution

La fermeté peut se cacher sous des rondeurs affables. Alors que s’engagent les discussions sur la révision constitutionnelle, le président du Sénat a posé quelques chicanes sur le chemin tracé trop droit par son collègue de l’Assemblée nationale et par La République en Marche. Emmanuel Macron observe. Entouré de technocrates pas vraiment spécialistes en droit et ignorants de la France des territoires, il n’est pas exclu que le chef de l’Etat finisse par écouter un Gérard Larcher fin politique et proche du terrain. Quitte à mettre un peu d’eau dans son vin réformateur.

Majorité et exécutif laissent certes planer la menace d’un recours au référendum au titre de l’article 11, c’est-à-dire sans débats parlementaires. De Gaulle le fit en 1962, mais le Conseil constitutionnel n’était pas alors le censeur rigoureux qu’il est devenu. Il pourrait cette fois condamner la procédure. Reste le référendum selon l’article 89 : après vote des textes mais faute de majorité des trois-cinquièmes au Congrès. L’expérience invite toutefois à la prudence. Les Français votent plus selon le contexte qu’en réponse à la question posée. Chaque fois qu’il a été question de porter atteinte au Sénat, représentant des territoires, l’exécutif s’est brûlé les doigts. « Quand on a appuyé sur le bouton, la peur change de camp », souligne le patron des députés Les Républicains.
« Vouloir réduire le nombre des députés et des sénateurs ne peut que plaire aux Français », affirment en chœur les Marcheurs. Sauf s’ils constatent que leur député finit par représenter deux départements ou que certains de ces derniers n’ont plus de sénateur. Gérard Larcher ne rejette pas toute réduction ; celle-ci doit rester raisonnable. Pas question d’accepter qu’elle touche 30 % des parlementaires, comme le propose François de Rugy. Le président du Sénat refuse tout autant une élection à la proportionnelle de 25 % des députés restants. « Ce serait un retour à la IVème République et à son instabilité », prévient-il. Son homologue de l’Assemblée rétorque que le mode de scrutin relève d’une loi ordinaire et n’a donc pas besoin d’être approuvé par le Sénat.
Partie prenante de ce poker menteur, le chef de l’Etat arbitrera. Jusqu’à présent, il penche pour une pratique traditionnelle de la Vème République, celle d’un pouvoir exécutif fort s’appuyant sur une majorité parlementaire docile. Laquelle est aussi conditionnée par l’actuel mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Emmanuel Macron compromettra-t-il cette pratique par une forte dose de proportionnelle ? Il se dit qu’Angela Merkel lui aurait conseillé de n’en rien faire. Le scrutin mixte allemand, souvent cité en exemple ici par les défenseurs de la proportionnelle, est à l’origine du blocage politique actuel en Allemagne. Quatre mois après les élections, le pays n’a toujours pas de nouveau gouvernement. Un modèle, vraiment ?

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