Les Horaces et les Curiaces

Le Congrès se réunira-t-il à Versailles ?

La révision constitutionnelle a-t-elle vécu ? Alors que le texte doit être présenté au conseil des ministres du 9 mai, les oppositions s’affirment de plus en plus. Au point que le vote par le Congrès réuni à Versailles paraît des plus improbables. Le chef de l’Etat peut certes recourir au référendum pour contourner le Sénat. Mais en matière institutionnelle, il est rare que les Français répondent vraiment à la question posée, usant plutôt du bulletin pour exprimer leur mécontentement.

Les premières mesures prévues dans le projet de loi constitutionnelle sont évoquées depuis longtemps et ne posaient pas de gros problèmes : suppression de la Haute cour de Justice, qui sera remplacée par un filtre pour éviter les abus ; fin de la présence des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel, Emmanuel Macron préservant celle de Valéry Giscard d’Estaing ; réforme du Conseil supérieur de la magistrature… Ce qui perce des nouvelles dispositions a plus de quoi inquiéter les parlementaires et surtout le Sénat : pouvoir renforcé du gouvernement sur l’ordre du jour des deux chambres ; encadrement du droit d’amendement ; limitation du pouvoir législatif de la Haute assemblée… A croire que l’exécutif ne se fait plus beaucoup d’illusions sur sa capacité à faire voter ce texte.

Les oppositions, de fait, estiment que toutes les réformes institutionnelles souhaitées par l’Elysée – notamment la réduction d’un tiers du nombre de parlementaires et une représentation proportionnelle pour 15 % d’entre eux – forment un « paquet global » et qu’il n’est pas question d’accepter un saucissonnage. Lequel leur ferait rejouer l’histoire des Horaces et des Curiaces. Ils voteront tout ou ne voteront rien.

Le calcul devient simple depuis que le nouveau patron du PS s’est prononcé pour un rejet de l’ensemble. Pour obtenir une majorité des trois-cinquièmes à Versailles, il faut obtenir 555 voix. Pour l’heure, la République en Marche et ses alliés n’en ont que 473 sûres alors que l’opposition peut compter sur 400 bulletins au moins. Le projet de loi pourrait même être rejeté lors de sa lecture au Sénat alors qu’il doit être adopté dans les mêmes termes par les deux chambres.

Le paradoxe serait que la réforme constitutionnelle tombe, faute de pouvoir recourir à un référendum selon l’article 11, mais que les autres réformes puissent être soumises au peuple selon ce même article 11. La réduction du nombre de parlementaires (loi organique) et la représentation proportionnelle (loi simple) participent-elles de « l’organisation des pouvoirs publics » ? Si oui, la voie est ouverte à une consultation que le chef de l’Etat se dit sûr de gagner vu la popularité des propositions. Sauf que l’opinion réserve souvent des surprises. Chiche ?

Un commentaire

  1. Clair, expliqué, argumenté, comparé et plus : chiffré. Elégance non tenue à distance. Toute la différence entre l’écrit – par Chantal Didier – et l’audiovisuel.

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