Sidérés ! Réunis à Versailles pour écouter l’adresse d’Emmanuel Macron, les parlementaires ont semblé victimes d’engourdissement. A peine un ou deux applaudissements avant ceux de la fin, une initiative de quelques battements de mains faisant vite long feu. Ceux qui ont suivi l’évocation de « la part maudite » ne visaient pas Georges Bataille mais ont trahi une impression de fin de discours. Les propos stratosphériques du Président de la République ont eu un effet paralysant, à moins que ce ne fût soporifique.
Que « les oppositions » – un pluriel présidentiel volontaire pour souligner leurs divisions – n’approuvent pas la doxa du chef de l’Etat, rien de plus normal. Mais que les trois centaines et demie de députés et sénateurs placés sous étiquette « Macron » ne manifestent pas leur contentement surprend. C’est à eux pourtant qu’il s’est adressé en premier pour les exhorter à ne pas oublier le mandat que le peuple français leur avait donné. Comme si le chef de l’Etat craignait déjà les dérives d’une trop large majorité qu’aucune histoire politique commune ne lie. A moins que l’annonce de la prochaine disparition d’un tiers d’entre eux ne tétanise ces parlementaires destinés à se faire harakiri. Qui devra mettre la tête sur le billot ?
Cette sidération a dû donner lieu à commentaires internes et à consignes. Le lendemain à l’Assemblée nationale, la majorité n’a cessé d’applaudir le Premier ministre tenant son discours de politique générale. Les interruptions d’approbations ne se comptaient plus, même lorsque Edouard Philippe déclare que « nous conduisons 60 % de nos bacheliers à l’échec en licence ! » Sans doute s’agissait-il de louer la lucidité plus que le constat !
Les élus d’En marche et les macron-compatibles ont accordé une ovation debout au chef du gouvernement. C’est de tradition. Elle n’engage pas l’avenir. Alain Juppé en son temps a été ainsi célébré et même en mieux et par des députés plus nombreux. Six mois plus tard, il prônait une dissolution seule susceptible de lui redonner de la légitimité. Pari perdu. Le Premier ministre a dû céder la place à Lionel Jospin.