« Alerte rouge ! » François Baroin le très flegmatique n’a pas craint les grands mots, ce matin, pour prévenir le président de la République et le gouvernement de la colère des élus du « bloc communal ». Et leur signifier que la « confiance perdue » ne se rattrapera pas aisément. Entre eux, ce n’est pas encore le conflit ouvert mais une sorte de « drôle de guerre » qui risque de dégénérer.
Sous la houlette du président de l’Association des maires de France, six associations d’exécutifs communaux se sont retrouvés pour exprimer leur semblable « déception ». Alors qu’Emmanuel Macron organisait une « conférence des territoires », le 17 juillet, il annonçait ensuite, sans concertation, que la réduction des dotations budgétaires passerait de 10 à 13 milliards, que 300 millions de crédits seraient surgelés, que les emplois aidés allaient être drastiquement réduits. Sans parler de la réforme de la taxe d’habitation, de la suppression de le réserve parlementaire, de la volonté de réduire le nombre des élus locaux, de l’inflation des normes. « Autant de guillotines qui tombent les unes après les autres », déplore le maire de Troyes.
« L’été meurtrier » aboutit à la remise en cause du principe fondamental de « la libre administration des collectivités territoriales ». Le Conseil constitutionnel sera appelé à donner son avis sur la question. Le 100e congrès des maires de France, du 20 au 23 novembre, sera l’occasion de « tout mettre sur la table », promesse de quelques explications de textes. Le contentieux paraît si lourd qu’il devient problème politique. D’autant que les associations d’élus rassemblent par définition des élus de toutes sensibilités partisanes.
Pour manifester cette colère, Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France, suggère à ses collègues de faire voter des budgets communaux et intercommunaux en déséquilibre. « On n’a pas le droit, mais si 36 000 communes le font, bonjour les préfets ! », met en garde le maire de Gargilesse (Indre). Il leur appartiendrait de gérer toutes ces communes en révolte. Improbable !
A quelques semaines des élections sénatoriales, la légèreté du gouvernement à l’égard des élus locaux, grands électeurs des représentants des territoires, relève de la faute. Cette consultation s’annonçait difficile pour les macronistes ; elle devient mission impossible. L’exécutif devrait prendre garde à la menace d’une guerre Etat-collectivités locales. La fin du cumul des mandats rend plus compliquées les médiations habituelles entre grands élus, parlementaires et gouvernement. Elle expose au danger du face à face. Dans ce genre d’opposition, le pouvoir central gagne rarement. Même Charles de Gaulle s’est heurté au poids politique des élus locaux. Emmanuel Macron n’est pas le général et l’attachement des Français à leurs élus de proximité s’est renforcé. L’Elysée ferait bien d’entendre « la voix des territoires qui souffrent ».