La France cul par-dessus tête

L’élection présidentielle de 2017 restera celle de tous les paradoxes. Alors qu’au premier tour, près d’un électeur sur deux a rejeté l’Europe, le pays porte à sa tête le plus europhile des candidats. Lequel n’hésite pas à scénariser sa victoire au son de l’hymne européen emprunté à Beethoven. Presque partout, même chez Emmanuel Macron, il fut question de turbuler le « système ». Le nouveau chef de l’Etat en est le pur produit. Une forte majorité de Français a exprimé ses craintes face à une mondialisation accusée de fermer les usines. Leur nouveau président est un ardent défenseur d’une globalisation heureuse. Le « bas » a contesté le « haut » dans une vive critique des élites incapables de résoudre les problèmes du pays. Emmanuel Macron est le représentant type de l’élitisme national. A croire que le vainqueur figure l’image inversée de l’opinion.

Le mode de scrutin explique pour partie ce miroir sans tain. Le premier tour consacre un quadri-partisme qui réduit le score du candidat d’En Marche à 18,19 % des inscrits. A 465 696 voix près, le second tour aurait opposé François Fillon à Emmanuel Macron, ce qui n’aurait pas donné la même impression de chamboule-tout. La présence de Marine Le Pen, le 7 mai, accentue le vote de rejet, 43 % des électeurs d’Emmanuel Macron reconnaissant avoir voté pour lui d’abord pour éliminer la présidente du Front national. Et les votes blancs ou nuls s’élèvent à 4 millions de voix, soit 11,5 % des votants. L’assise du vainqueur reste donc étroite.

Le décalage entre représentant et représentés tient aussi au fait que les clivages ne se recouvrent pas tous et que les diverses identités se chevauchent. Contrairement à l’effet d’optique que donnent les cartes électorales, tout le Nord et Grand Est, toutes les campagnes n’ont pas voté Marine Le Pen tandis que le Sud-Ouest et les grandes villes choisiraient Emmanuel Macron. Il est des libéraux en économie qui prônent le conservatisme social, des agriculteurs entrepreneurs et pro-européens, des étatistes de gauche et d’autres de droite, des patriotes qui voient l’avenir de la nation au sein de l’Europe, des libertaires qui honnissent le capitalisme, des jeunes pessimistes et des vieux qui croient dans le progrès… D’où une grande difficulté à choisir malgré une large offre de candidats.

Pour l’heure, cette complexité ne semble pas prise en compte par un Emmanuel Macron tout à son rêve de recomposition politique qui le laisserait seul face aux extrêmes. Quitte à abandonner la France des oubliés à ceux qui ne leur veulent pas nécessairement du bien.

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