Pour restaurer la confiance, faut-il d’abord exprimer sa méfiance ? Le projet de loi de moralisation de la vie publique présenté ce mercredi en conseil des ministres offre un arsenal de mesures susceptibles d’éviter toute dérive chez les élus. Ce n’est pas le premier. Gageons que ce ne sera pas le dernier.
Au-delà du fait que le texte soit porté par un François Bayrou en difficulté là où il se voulait exemplaire, le corsetage des hommes et des femmes publics s’expose à l’éternelle course poursuite du gendarme et du voleur. Les règles risquent d’être contournées, entraînant d’autres mesures plus coercitives, elles-mêmes soumises à dévoiement. Surtout, ce cercle infini trahit une profonde méfiance à l’égard de ceux qui exercent un mandat politique.
Les moralisateurs professionnels devraient s’interroger : plus il est question d’interdits et de transparence, plus les Français ressentent de la défiance à l’égard de leur classe politique. S’il y a des pompes à incendie partout, serait-ce que le feu couve ? Comme si l’existence de « liens d’intérêt » conduisait nécessairement à des « conflits d’intérêt ». Comme si dans un monde de réseaux, toute coexistence valait connivence. Comme si toute personne dotée d’une capacité d’agir perdait le gyroscope éthique qui guide ses choix.
La vraie confiance consiste à respecter la liberté des acteurs publics, quitte à renforcer les contrôles à posteriori. Concernant les élus, leur accorder un statut serait plus efficace que de les encager. Même si cela passe par une augmentation de leurs indemnités. Contrairement aux idées reçues, les responsables politiques ne sont pas assez payés au regard de leurs responsabilités et de l’énergie qu’ils y consacrent. D’où la tentation de chercher des compléments de revenus ou une paupérisation de la politique qui n’élève pas les débats. Le propos n’est pas dans l’air du temps, mais puisque le temps est au « vrai » changement, le gouvernement s’honorerait de le mettre au moins à l’étude.